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PROBLÉMATIQUE GÉNÉRALE DES ESPÈCES EXOTIQUES ENVAHISSANTES

 

Les termes d'espèce exotique, espèce naturalisée et espèce envahissante sont des concepts « emboîtés », en ce sens que chacun d'eux inclut tous ceux qui le précèdent. Ces définitions concernent tous les types d'êtres vivants (faune, flore, champignons...).

Espèce indigène ou native : espèce ou taxon présent naturellement dans un secteur ou une région donnée.

Espèce endémique : cas particulier de l'indigénat. L'endémisme caractérise la présence naturelle d'une espèce ou d'un taxon localisé à une aire géographique strictement délimitée. Une espèce endémique l'est obligatoirement par rapport à un territoire donné.

Espèce exotique : espèce introduite dans une région d'où elle était absente auparavant. Il existe une discontinuité géographique entre son aire d'origine et sa nouvelle aire. Cette arrivée est liée à l'action de l'Homme. C'est l'Homme qui a été, volontairement ou involontairement, le vecteur qui a permis à une espèce de s'installer dans une région d'où elle était naturellement absente.

Espèce établie ou naturalisée : espèce exotique qui, en plus des 3 caractéristiques indiquées plus haut, en présente une supplémentaire :

Elle est naturalisée, c'est-à-dire qu'elle est capable de survivre, de se reproduire et de donner naissance à de nouvelles générations viables et reproductrices, sans l'aide de l'Homme.

Espèce exotique envahissante : espèce exotique qui, en plus des quatre caractéristiques indiquées plus haut, en présente une cinquième:

Elle pose des problèmes écologiques (perturbation des fonctions écologiques d'un milieu naturel ou semi-naturel, disparition de taxons indigènes, pollution génétique, transmission d'agents pathogènes pour les espèces natives) et/ou économiques, éventuellement de santé publique. Des indices     d'invasibilité peuvent être proposés de manière à affiner le pouvoir invasif des espèces exotiques. Concernant la Réunion et Mayotte, le CBNM a         mis au point une échelle inédite adaptée à la Flore vasculaire exotique comprenant 5 niveaux d'invasibilité croissant.

Les introductions d'espèces sont considérées comme l'un des problèmes environnementaux majeurs du XXIème siècle. A l'échelle humaine, il s'agit d'un phénomène généralement irréversible tout particulièrement en milieu insulaire océanique. Favorisées par la mondialisation de l'économie et des échanges, les introductions d'espèces sont encore en phase d'accélération et on ne sait généralement pas les maîtriser. Si elles se poursuivaient au rythme actuel, ces introductions pourraient déboucher sur une homogénéisation des organismes vivants, des peuplements et des paysages à l'échelle planétaire, avec des conséquences socio-économiques négatives pour l'Homme encore difficiles à évaluer. Une telle homogénéisation constituerait un évènement biologique et biogéographique majeur, sans équivalent au cours des temps géologiques.

L'augmentation actuelle des introductions ne doit pas faire oublier qu'elles constituent un phénomène aussi vieux que l'humanité. Toutefois, le phénomène a commencé son accélération moderne il y a 6 siècles, avec les grandes navigations. Pour exemple, Cristobal Colón et les conquistadores qui l'ont accompagné ont voyagé avec les plantes cultivées et les animaux domestiques qui leur étaient familiers en Europe probablement afin de reconstituer autour d'eux le paysage qui leur était commun (introductions volontaires) tandis qu'à leur insu, tous leurs parasites et pathogènes (cafards, rats, variole, rougeole, etc.) étaient également du voyage (introductions involontaires). Bien entendu, ces échanges ont été réciproques, et c'est ainsi que le Maïs, le Piment, le Chocolat, le Tabac, la Vanille, l'Avocat et la Tomate ont pu être découvert par le public européen. Dix milles espèces ont été introduites en Europe depuis la découverte du Nouveau monde, et certaines, comme par exemple la Jacinthe d'eau (Eichhornia crassipes) et l'écrevisse de Louisiane (Procambarus clarkii) sont devenues de véritables fléaux pour ses écosystèmes.

 

 

 

 

PROGRAMME DE LUTTE CONTRE LE CHOCA (Furcraea foetida (L.) Haw.)
ET LE SISAL (Agave sisalana Perrine) SUR L'ÎLE D'EUROPA

 

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LES INTRODUCTIONS VÉGÉTALES SUR EUROPA

Europa est une île jeune et de taille relativement réduite d'origine volcanique mais de nature corallienne, située dans le Sud du Canal du Mozambique. Bien qu'isolée, elle n'a malheureusement pas été épargnée par les introductions biologiques. Suite aux diverses tentatives de colonisation de l'île débutées à partir du XVIIIème, puis à l'installation durable de l'Homme dès les années 1950, 41 taxons végétaux exotiques ont pu s'établir par le biais d'activités anthropiques (introductions volontaires ou non). Elles peuvent être considérées comme un véritable « bombardement biologique » sur un territoire aussi restreint et fragile. Ainsi l'île d'Europa compte au total 90 taxons végétaux : 47 indigènes, 41 exotiques et 2 cryptogènes. Parmi les espèces exotiques, certaines ne sont pas naturalisées (6 non spontanées), d'autres sont considérées comme localement naturalisés (31) ou comme largement naturalisés (4). Chez les espèces naturalisées, 12 sont jugées envahissantes car elles peuvent induire un impact important sur les habitats indigènes de l'île et perturber leur bon fonctionnement.

Pour en savoir plus sur la flore vasculaire d'Europa, cliquez ici.

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Parmi les 12 espèces exotiques considérées comme envahissantes sur Europa, 2 semblent particulièrement problématiques : le Choca (Furcraea foetida (L.) Haw.) et le Sisal (Agave sisalana Perrine). Originaires d'Amérique centrale, le Choca et le Sisal sont deux espèces de la famille des Asparagacées (ex Agavacées). Au début du XXème siècle, des colons ont volontairement introduit (vraisemblablement depuis Madagascar où le Taretra est utilisée par les Malgaches depuis des siècles) ces deux espèces sur l'île d'Europa dans le but d'y développer une production de fibres textiles.

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Pour ce faire, une vaste zone de brousse arborée à Euphorbia stenoclada, l'Euphorbaie, au nord de l'île a été défrichée et plantée. Mais l'absence de ressources en eau douce, la prolifération de moustiques et les conditions de vie extrêmes inhérentes à cette île ont conduit à l'échec de la colonisation humaine. Les plantations furent alors laissées à l'abandon. Grâce à leur biologie particulièrement adaptée aux conditions arides, ces deux espèces se sont depuis répandues dans la partie nord de l'île pour actuellement occuper une surface totale de 18,6 ha pour le Choca et de 95,6 ha pour le Sisal. Elles présentent clairement un comportement invasif, et menacent à terme de faire disparaître la végétation d'origine comme l'Euphorbaie qui constitue des zones de reproduction privilégiées notamment pour certains oiseaux marins (Fou à pieds rouges, Frégate Ariel, Frégate du Pacifique). 

 

L'île d'Europa étant considérée comme un véritable sanctuaire de biodiversité, il apparaît indispensable de maintenir la végétation d'origine afin de maintenir les fonctions écologiques de ses écosystèmes.

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