DE RETOUR DE MISSION SUR L'ARCHIPEL DES GLORIEUSES

 

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 Du 22 janvier au 10 Mars 2014, deux scientifiques du Conservatoire Botanique National et Centre Permanent d'Initiative pour l'Environnement de Mascarin (CBM), Jean HIVERT (chargé de mission îles Eparses) et Betty DUFOUR (étudiante de Master 2 Biodiversité et EcoSystèmes Tropicaux, stagiaire au CBM) sont partis en mission longue durée sur l'archipel des Glorieuses. Ils étaient accompagnés de Thomas GALLIX (étudiant de Master 2 BEST, stagiaire à Kélonia) qui s'est intéressé à l'étude des tortues vertes.
Effectuée grâce à l'appui de la DEAL Réunion, des Taaf et des FAZSOI et du DLEM, cette expédition pluridisciplinaire visant notamment à étudier l'influence de la végétation littorale sur la ponte des tortues marines a également bénéficié d'une bourse de micro-projets TE ME UM.

 

La vie aux Glorieuses

Voyage TransallL'aventure débute le mercredi 22 janvier, de bon matin. Après quelques semaines de préparatifs, nous voici enfin à la base aérienne où 2 transalls tronent fièrement sur le tarmac. Pas grand monde à l'embarquement : du personnel militaire, quelques gendarmes, dont "Charli" avec qui nous cohabiterons les prochaines semaines, et quelques civils dont Bernard, le principal abonné des relèves car spécialiste de la maintenance des groupes électrogènes. Après plus de 3h de vol, escale à Mayotte. Quelques manœuvres liées au frêt, première rencontre avec le détachement militaire montant – 14 bonhommes du 6ème Régiment du Génie sous la responsabilité du Lieutenant BREHIER - et l'avion-cargo est à présent bondé. Encore 1h30 de vacarme, chacun est avachi sur les banquettes de toile rouge, quand l'archipel des Glorieuses se profile. Privilège parmi les privilèges, nous sommes tous deux conviés à assister à l'approche et à l'atterrissage dans le cockpit : du bleu partout et sous toutes ses nuances, un point sombre à l'horizon qui prend rapidement l'allure d'une île au centre teinté de vert et au pourtour pratiquement blanc. Tout s'accélère, la piste n'est plus qu'à quelques mètres sous nos roues et c'est là que l'on prend pleinement conscience de la précision nécessaire pour poser un tel mastodonte sur une piste finalement pas si large que ça. La porte arrière bascule et la lumière, claire et puissante, inonde les entrailles de l'oiseau de fer. Impossible de ne pas cligner des yeux à la descente d'avion!

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La relève est brève mais intense : une fois l'avion déchargé et le frét conditionné, chaque militaire n'a que quelques heures pour la passation des consignes liées à son poste. Après une excellente soirée, entre apéritifs et ballades nocturnes sur la plage pour observer les tortues vertes en train de pondre, le transall redécolle en début de matinée. C'est toujours impressionnant de voir cette énorme masse finalement quitter terre et s'éloigner dans un nuage de poussiére et un vacarme assourdissant. Le calme revient petit à petit et nous n'entendons à présent plus que les oiseaux et le bruit de l'océan. Ca y est ! L'île nous appartient pour les 6 semaines à venir...

 

 

 Il est 5 heures, le réveil sonne. Encore quelques minutes pour s’étirer puis il est temps de se lever et d’enfiler ses habits.levé de soleil 12 Les yeux encore à moitié clos, nous nous retrouvons dans notre salle de travail pour préparer le matériel dont nous aurons besoin dans la matinée. Une fois les sacs prêts, nous pouvons parcourir la centaine de mètres qui nous sépare du camp militaire pour aller déjeuner. Le ciel prend alors des teintes magnifiques, entre orange et rose, et ce spectacle vaut bien quelques instants d’appréciation. Dans la salle commune, nous retrouvons nos compagnons de voyage finissant de se réveiller, la tête dans leur café. Nous prenons notre petit déjeuner sur les grandes tables de la salle commune avec vue sur la place d’arme, les chemins de sable et au loin, l’océan. Seuls le bruit de la télévision, allumée quasiment en permanence, vient troubler la tranquillité de ce moment. Au loin, les silhouettes de Thomas, Charli et le militaire de garde la nuit précédente s’éloignent vers la plage, ils partent pour leur tour de l’île. Le premier va noter et prendre des mesures de toutes les traces de tortue fraîches qu’il trouvera, tandis que les deux autres ont pour mission de ramasser tous les déchets que l’océan aura déposé sur le sable pur de l’île, dont beaucoup de claquettes et de briquets vides. À 6 heures, nous assistons en finissant de déjeuner à la cérémonie des couleurs : les militaires s’alignent au garde à vous sur la place d’arme et hissent les drapeaux, puis prennent leurs ordres du Lieutenant pour la matinée. La journée vient officiellement de commencer pour eux et la notre ne va pas tarder.

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P1070971Dès que nous sommes prêts, nous partons sur le terrain. Durant la majeure partie du voyage, nous avons passé nos matinées sur la plage à étudier et relever la végétation littorale, la plupart du temps sous un grand ciel bleu. Lunettes, chapeaux et crèmes solaires sont de rigueurs car le soleil est proche et brûle vite la peau et le sable blanc reflète tous sesP1080332 rayons. Heureusement parfois le ciel est voilé, il fait alors bien moins chaud, mais certaines fois il se charge un peu trop et des pluies tropicales s’abattent sur nous, nous contraignant à nous mettre à l’abri le temps que ça passe ou à rentrer au camp en courant, dégoulinant. Malgré ces quelques jours exceptionnels de mauvais temps, nous avons quand même souvent eu la chance de profiter d’un temps magnifique, nous permettant de travailler toute la matinée. Vers la fin du séjour, l’étude du littoral étant terminée, nous nous sommes consacrés aux autres objectifs de la mission, souvent plus dans l’intérieur des terres. À l’ombre des arbres, le travail est un peu plus facile, il faut l’avouer.

Retour au camp aux alentours de midi, le repas nous attend et il est le bienvenu. Nous mangeons tous ensemble : c’est un bon moment de détente où nous pouvons échanger avec les militaires sur notre travail du matin, notre vie en dehors de l’île ou encore les actualités dans le monde, dont nous sommes tenus au courant par la télé.

Panorama CampMilitaireGRANDE GLORIEUSE-20120524-JH3

L’après-midi c’est repos pour les militaires et pour Thomas qui a passé une partie de la nuit sur le terrain. Nous nous accordons également une petite heure de détente (notamment pour la sieste de Betty) avant d’entreprendre un autre type de travail tout aussi important : la saisie des données du matin. Cela peut prendre entre deux à trois heures, selon l’activité du jour, auxquelles il faut rajouter le temps passé à trier les photos. Ce travail de bureau n’est pas aussi passionnant que le travail de terrain, mais nous nous installons souvent au faré pour le rendre plus agréable. Nous prenons également le temps de trier les récoltes du matin et de surveiller l’évolution de l’herbier. Lorsque nous avons fini, nous nous accordons un nouveau moment de détente, l’occasion de se balader sur la plage, de faire du sport, de lire ou encore d’écrire dans son carnet de voyage.

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Petit à petit le soleil se couche et la lumière du jour décline, il est aux environs de 18 heures. C’est alors le moment de l’apéritif avec tout leP1070816 groupe, une nouvelle occasion d’échanges pour apprendre à se connaître. Certains militaires sont très intéressés par notre travail et posent beaucoup de questions, d’autres cherchent à comprendre le plaisir que nous avons à venir sur une île déserte sans grand confort. Nous leur expliquons alors la rareté d’un tel territoire et la chance que cela représente pour eux comme pour nous de pouvoir y vivre quelques semaines. Nous tentons de les sensibiliser à la beauté de la nature que nous avons sous les yeux, et à sa fragilité face aux activités humaines. Ils semblent comprendre un peu mieux et nous avons l’impression d’avoir fait notre devoir d’écologiste. Ce moment avant le repas est également l’occasion de prendre notre seule douche autorisée de la journée (vie en autarcie oblige, les réserves d’eau de pluie sont précieuses et doivent être utilisées avec parcimonie).

Enfin, le repas est servi et nous continuons nos discussions à table. Chaque jour, le cuisinier et le boulanger se décarcassent pour nous offrir des repas consistant et variés, nous apportant l’énergie dont nous avons besoin pour tenir le coup. Après le repas c’est quartier libre : certains jouent aux cartes, aux dés ou aux jeux vidéo, d’autres regardent des films. C’est aussi parfois l’occasion d’une ballade de nuit dans la cocoteraie à la recherche du crabe des cocotiers, cet animal timide aussi étrange que rare. Puis il est temps d’aller dormir, car demain, on recommence.Panorama Poteau de direction-GRANDE GLORIEUSE-avril2011-JH05

Les jours se succèdent ainsi, nous travaillons de cette façon 6 jours par semaine essayant de varier un peu les activités du matin pour éviter la routine. Le dimanche est plus tranquille, nous pouvons faire la grasse matinée, aller nous balader tranquillement et prendre du temps pour nous. Le midi, c’est souvent grillades au barbecue ce qui met tout le monde de bonne humeur, et la bonne ambiance règne généralement jusqu’au soir en ce jour de repos.

Chaque mercredi et samedi, c’est jour de mails. Un message texte par personne pour tenir notre famille au courant de notre quotidien, leur raconter nos aventures, et les faire rêver en leur décrivant les paysages que nous voyons. Nous avons droit à une réponse en retour dans les jours qui suivent pour avoir de leurs nouvelles. C’est un moment important pour le moral, qui permet de rester tout de même un peu connecté à notre vie en dehors de l’île. Nous avons également l’opportunité d’envoyer des lettres manuscrites dont l’enveloppe, couverte des différents tampons de l’île et des TAAF, deviendras une pièce de collection. Cependant, ce courrier, géré par Charli, gendarme et donc également agent postal, ne quitteras l’île qu’en même temps que nous, avec le prochain transall.

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Le jour fatidique est arrivé bien  trop vite à notre goût et ce malgré la fatigue accumulée. Après 47 jours passés sur cette île paradisiaque, il est temps pour nous autres, botanistes, militaires et gendarme, de laisser la place aux prochains, des légionnaires en l'occurence. Seul Thomas restera sur place (à priori jusqu'à fin mai) pour poursuivre ses études sur les tortues vertes et notamment suivre les émergences des nids de ponte qu'il a marqué durant les semaines passées. C'est la fin d'une magnifique et exceptionnelle aventure humaine et scientifique qui marque le retour dans une société qui n'a de civilisée que le nom. A quand la prochaine mission ??

 

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JH et BETDUF cocotier

" Cette mission a été pour moi une chance incroyable et un moment inoubliable. J'ai eu le privilège durant un mois et demi de pouvoir découvrir et m'approprier ce petit bout de paradis à l'écart de notre société moderne. Le rythme y est bien plus tranquille, le temps est comme suspendu, et nous, Hommes, ne sommes qu'un détail dans le paysage, de simples spectateurs. J'ai vraiment apprécié de pouvoir observer des écosystèmes quasiment à l'état naturel et des espèces libres d'évoluer dans leur milieu sans perturbation humaine. C'est rare de nos jours et c'est ce qui fait de cette île une merveille à mes yeux, et a rendu les conditions de vie quelques peu rustiques très largement supportables. Après ce court séjour sur ce bijou de nature, il me parait essentiel de continuer sa protection pour que d'autres amoureux de la nature, présents et futurs, aient la chance de vivre la même expérience que moi. "
Betty, stagiaire au CBM

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Les manipulations scientifiques

Prospection milieu naturel

Voici un récapitulatif des principales actions réalisées in situ :

Etude multidisciplinaire, la végétation littorale et les tortues vertes

L'objectif principal de cette mission était de caractériser l'influence de la végétation littorale sur le choix du site de ponte et le succès reproducteur des tortues vertes (Chelonia mydas), en partenariat avec le Centre d'Étude et de Découverte des Tortues Marines - Kélonia. Pour cela, l'équipe du CBM s'est intéressée à caractériser la végétation littorale de la Grande Glorieuse à travers diverses actions.Pano Carto20140128BETDUF03-transectlit-GRANDE GLORIEUSE-20140128-JH7

La plus importante a consisté à effectuer des relevés de végétation le long d'un transect matérialisé par un décamètre tiré parallèlement au front de végétation littorale. Chaque plante (hormis les herbacées) était déterminé et caractérisé (phénologie, stade, état sanitaire) et son recouvrement était mesuré sur le décamètre. De plus, les caractéristiques physiques des hauts de plage ont été relevées tous les 100 m (zonation, présence ou non de talus dunaire, pente, longueur de plage...). L'ensemble du littoral de la Grande Glorieuse a ainsi été finement caractérisé sur 7747 m.

Transect adlittorauxEn complément, tous les 100 m, des relevés de végétation étaient réalisés de la plage vers l'intérieur de l'île afin de caractériser la composition de la végétation en profondeur. Ces transects mesuraient systématiquement 50 m de long et seule la végétation présente sur 5 m de part et d'autre du décamètre était relevée. 79 ont été effectués, soit une longueur cumulée de 3950 m.

En parallèle, Thomas procédait quotidiennement à deux types de suivi sur les tortues marines. Tous les matins, accompagné du gendarme Charli et d'un militaire, il partait pour le tour de l'île. Toutes les traces et les trous de ponte de tortue étaient alors comptabilisés et pris au GPS, en distinguant s'il y avait eu ponte ou non, si la tortue avait été gênée dans sa progression...Ronde du matin Thomas  Charli 2

La nuit, à l'heure où la marée passait sur sa phase montante, il parcourait les plages afin de repérer les femelles montées pondre. Une fois la cible en vue, il attendait que la tortue ait fini de creuser et qu'elle ait entamé sa ponte pour alors réaliser diverses mesures (taille et poids d'une vingtaine d'œufs, taille de la carapace), installer un thermomètre dans le nid et finalement baguer la femelle. Ces nids dûment étiquetés et géoréférencés au GPS seront surveillés par Thomas qui devra patienter une quarantaine de jours avant de pouvoir étudier les émergences de jeunes tortues et alors déterminer le succès reproducteur. Vingt de ces nids de ponte ont fait l'objet de relevés floristiques sur 400 m2, sur la base de placettes de 20x20 m où chaque plante a été caractérisée et cartographiée au GPS.

Deux jeux de données, l'un dédié à la végétation littorale et l'autre à la reproduction des tortues vertes sur la Grande Glorieuse, ont ainsi été élaborés de manière synchrone dans le temps et sur l'ensemble d'un territoire. Ils pourront à présent être analysés et croisés. Une partie des données sera traitée dans les rapports universitaires respectifs de Betty et de Thomas, tandis que d'autres feront l'objet d'analyses et de publications ultérieures.


Etude d'une espèce patrimoniale, Ochrosia oppositifolia

Ochrosia pop 4Ochrosia oppositifolia, un grand arbre de la famille des Apocynacées, est considéré comme patrimonial pour le territoire des Glorieuses où seules trois stations comptabilisant assez peu d'individus étaient connues avant cette mission.

Au gré des récentes prospections, 4 nouvelles stations ont été découvertes portant ainsi le nombre total d'individus recensés à 71 adultes (dont 51 nouveaux), 662 juvéniles (dont 643 nouveaux) et 1856 plantules. L'ensemble des adultes et des juvéniles ont été bagués, géoréférencés au GPS et mesurés. La végétation environnante de chacune des 7 stations a également fait l'objet d'une cartographie fine (relevés au GPS de chaque individu - indigène et exotique - et mesures dendrologiques) de manière à caractériser leur état de naturalité et les éventuels efforts de gestion à fournir afin de réduire localement l'impact des espèces exotiques envahissantes, dont le Filao et le Cocotier.

En parallèle des fruits ont été récoltés sous chacun des semenciers. Ils ont été ramenées au CBM afin de les mettre en germination ex situ.

 De plus, un protocole de transplantation de plantules a été testé sur 20 sauvageons prélevés sur deux stations naturelles puis replantés à proximité du camp militaire selon deux conditions expérimentales : en pleine lumière ou à l'ombre de Ficus. Aux dernières nouvelles, l'ensemble des individus ont survécu et se portent bien. Un suivi de leur survie et de leur croissance en hauteur pourra être effectué au gré des missions du CBM sur les Glorieuses.

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Ochrosia transplantation 2

Ochrosia transplantation 3


Expérimentation d'une méthode de gestion d'une espèce exotique envahissant, le Filao (Casuarina equisetifolia)

Pano GestionFilao20140211BETDUF01-temoin-GRANDE GLORIEUSE-20140211-JH2Les observations de terrain montrent clairement qu'autour des filaos qui présentent une certaine accumulation de leurs feuilles au sol, peu voire aucune plante ne parvient à se développer, le filao lui même ne parvenant pas à régénérer. Cette paille filao semble donc bloquer tout processus de régénération. Qu'en est t'il vraiment ? Est ce que le fait de retirer la paille filao favoriserait la régénération en espèces indigènes ?

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Afin de tenter de répondre à ces questions, 10 dispositifs ont été matérialisés grâce à des piquets en aluminium au sein de divers secteurs occupés par des filaos en mélange avec des espèces indigènes. Chaque dispositif comprend 2 placettes de 5x5 m : une « témoin » (pas d'action de gestion réalisée) et une « gestion » au sein de laquelle la paille filao a été ratissée. Chacune a fait l'objet de mesures pédologiques (épaisseurs et natures de la litière et de la couche de fermentation) et de relevés de végétation (taux de recouvrement, effectif, hauteur minimum/moyenne/maximum de chaque taxon). Suite à cet état initial, ces dispositifs nécessiteront d'être suivis dans le temps afin de mesurer la dynamique de végétation.

 

Etude des semences collectées dans les laisses de mer

Panorama Collecte LaisseMer BettyDUFOUR-GRANDE GLORIEUSE-20140124-JH1L'étude des semences présentes dans les laisses de mer (= zone d'accumulation d'objets naturels ou anthropiques ramenés par la mer et déposés sur le haut de plage) permet d'aborder les phénomènes de colonisation insulaire par les végétaux ayant transités par l'océan (= hydrochorie). Ces processus de dispersion à longue distance pouvant aboutir à une colonisation sont connus mais peu étudiés par la communauté scientifique. Or ils jouent un rôle majeur sur la biodiversité des îles car ils influent sur la dynamique et l'évolution de leurs populations végétales. Ils doivent être pris en compte lors d'études portant sur la prédiction des changements climatiques ou des invasions biologiques puisqu'ils représentent un processus clé pour l'expansion des espèces végétales, qu'elles soient considérées indigènes ou exotiques envahissantes.

Une première étude sur ce sujet avait été menée lors de la mission 2012 du CBM sur les Glorieuses, où des semences de laisse de mer avaient été prélevées et mises en germination au CBM. L'analyse de ces résultats avait alors donné lieu à un rapport universitaire de Master 1 (DUFOUR & GALLIX 2013, en téléchargement ici). Une récolte de semences présentes dans une laisse de mer au nord-est de Juan de Nova avait également été effectuée lors de la mission 2013 et ces dernières avaient été placées en germination ex situ et suivies durant plusieurs mois (résultats en cours d'analyse).

Dans la continuité de ces études, 5 événements de récolte quasi exhaustive des semences arrivées par la mer ont été réalisés durant cette mission : 4 sur la Grande Glorieuse et 1 sur l'île du Lys. Chaque récolte correspond à un linéaire de 100 m de plage sur une profondeur variable selon la largeur de la plage échantillonnée. Au total, cela représente 1473 semences ramassées, déterminées (concerne une centaine de taxons) et triées. Ainsi, les 779 semences jugées vivantes ont été mises à germer in situ dans des pots en plastique emplis de sable pur. Un suivi régulier de l'apparition des germinations a été réalisé par les botanistes durant leur mission. Ce suivi pourra se prolonger jusqu'à fin mai grâce à l'appui de Thomas. L'ensemble de ces données seront analysées ultérieurement et valorisées par la rédaction de comptes-rendus techniques ou d'articles scientifiques.

Laisse de Mer 1

LaisseMer20140210BETDUF01-GRANDE GLORIEUSE-20140212-JH3

Plantation LaisseMer20140124JH01-GRANDE GLORIEUSE-20140126-JH1

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Amélioration des connaissances sur la flore

commelina sp1-GRANDE GLORIEUSE-20140301-JH1La composition floristique d'un territoire étant en perpétuelle évolution, il est important de mettre à jour et de compléter les connaissances et les collections relatives à la flore au fur et à mesure des missions de terrain.

Lors de cette mission, l'inventaire de la flore vasculaire terrestre des Glorieuses a été complété grâce à :
- l'observation de 3 nouveaux taxons exotiques (ou supposés tels) sur la Grande Glorieuse : Commelina sp.1, Physalis sp.2 et Sida acuta

- la mention d'un nouveau taxon exotique sur l'île aux Crabes : Cocos nucifera ipovio-ILE DU LYS-20140126-JH4

- le recensement de 5 nouveaux taxons indigènes sur l'île du Lys : Caesalpinia bonduc, Scaevola taccada, Solanum sp.1, Dactyloctenium ctenioides et Ipomoea violacea

Au gré des prospections, des nouvelles stations d'espèces indigènes patrimoniales ont été trouvées ou retrouvées. Parmi les plus remarquables, citons la découverte de 3 nouveaux individus de Sophora tomentosa (connu alors par un seul individu sur la Grande Glorieuse) et la redécouverte de l'unique individu d'Hernandia nymphaeifolia, observé hernym-GRANDE GLORIEUSE-20140220-JH7par Vincent BOULLET en 2004 mais jamais revu depuis. Chacune de ces stations a fait l'objet de relevés détaillés afin de préciser le nombre d'individus, leur stade de développement, leur état phénologique et leur état sanitaire. Des mesures de hauteur et de diamètre ont également été effectuées et les menaces (actives et potentielles) pesant sur les stations ont été annotées.

De plus, les collections ex situ du CBM ont pu être enrichies de 114 parts d'herbier (concernant 32 taxons) et de 6 collectes en alcool (concernant 6 taxons).Travail iconographique

La base iconographique du CBM relative aux îles Eparses a progressé grâce à l'ajout de plus de 3500 photos dûment triées, nommées et archivées. Elles concernent des thématiques diverses telles que la flore, la faune, les paysages, les protocoles, les manipulations scientifiques ou encore les Hommes.

Récolte semenceEnfin, dans le cadre de l'amélioration des connaissances relatives à la conservation et à la sauvegarde d'espèces indigènes patrimoniales, des semences ou des banques de sol ont été collectées autour des semenciers. Cela représente un total de 32 évènements de récoltes concernant 14 taxons. L'ensemble de ce matériel a été placé en germination dès notre retour au Conservatoire.

 

 

 

 

Observations naturalistes

crabe cocotiers-GRANDE GLORIEUSE-20140301-BETDUF11L'organisation et la réalisation de missions longue durée sur les îles Eparses étant complexe, lorsqu'une équipe a le bonheur d'y séjourner, il parait important de récolter des informations pour d'autres équipes scientifiques. De plus, tout biologiste travaillant sur le vivant, quelque soit sa discipline de prédilection, recèle d'une âme de naturaliste exacerbée sur de telles îles.

Au gré de nos déplacements sur le terrain, des observations opportunistes ont pu être faites notamment sur les oiseaux et, chose plus exceptionnelle, sur le Crabe des cocotiers (Birgus latro) qui a été vu à 2 reprises. Bien que connu sur la Grande Glorieuse, son observation reste rarissime et remarquable. Une fois de retour de mission, ces données ont été transmises à des spécialistes tels que Matthieu LE CORRE (ornithologue du laboratoire ECOMAR, Université de La Réunion) et Joseph POUPIN (carcinologue à l'Institut de Recherche de l'École navale et groupe des écoles du Poulmic), pour leur plus grand plaisir.

araignée-GRANDE GLORIEUSE-20140305-JH3 crabe cocotiers-GRANDE GLORIEUSE-20140301-BETDUF27 crabetortue morte-GRANDE GLORIEUSE-20140217-JH1 GrandeSterneHuppée-GRANDE GLORIEUSE-20140210-JH4 Tortue verte-GRANDE GLORIEUSE-avril2011-JH16
AraignéeLynx rogné Noddi-rogné crabecocotiers rogné

Toutes ces nouvelles données ont permis de mettre à jour les bilans floristiques ainsi que les listes de taxons relatifs à chaque île de l'archipel des Glorieuses et d'enrichir les illustrations traitant de la flore et des formations végétales. Les bilans globaux relatifs aux actions du CBM ont également été mis à jour.

Pour obtenir plus de détails sur les aspects scientifiques de cette mission, se référer au rapport suivant :
HIVERT J., DUFOUR B. & GIGORD L. 2014. Compte-rendu scientifique et technique de mission de moyenne durée d'étude de la flore et des habitats des Glorieuses (janvier-mars 2014). Rapport non publié, Conservatoire Botanique National et Centre Permanent d'Initiatives pour l'Environnement de Mascarin, île de La Réunion, 60 pages.

 

Rédaction : Betty DUFOUR et Jean HIVERT - avril 2014